Mont Blanc en famille
Le toit de l’Europe en famille, que demander de mieux ? Un combo parapente au Mont Blanc peut être ?
Vidéo en bas de l’article pour les plus pressés
La préparation
Mon père et moi rêvions depuis quelque temps de faire le Mont-Blanc… Mais n’avions jamais engagé de démarche en ce sens. En avril dernier, plus motivés que jamais nous nous sommes dit qu’il était temps ! Nous avons embarqué Thibault dans l’affaire pour nous guider sur le plus haut sommet d’Europe. Et nous nous sommes dit : « Mais pourquoi nous ne descendrions pas en parapente ? » Thibault ayant eu sa qualification biplace cet été, il ne manquait plus que les conditions soient réunies.
Afin de concrétiser ce projet, nous avons du réserver trois places au refuge du Goûter. Ce fut un vrai combat mais mon père réussit à obtenir deux dates en septembre. Ceci en vue d’accroître nos chances de réussite. Durant les mois qui ont suivi, nous nous sommes entraînés physiquement bien que relativement sportifs de base. Pour ma part, ce que j’appréhendais le plus étaient les effets de l’altitude… Une acclimatation était nécessaire. Mais entre le boulot et les conditions en montagne qui ne sont pas toujours optimales il a été difficile de trouver des créneaux. J’ai quand même pu réaliser un sommet à 4000m durant l’été (Weissmies)… Cela ne m’aura guère servi durant l’ascension ! (j’y reviendrai plus tard). Honneur à mon père qui lui, s’est entraîné sur les reliefs aveyronnais… Le dénivelé n’est pas évident à trouver mais en faisant 3 fois le même parcours dans la journée on peut vite arriver à un cumul de 500m. Pour ce qui est de l’acclimation… C’est une toute autre histoire. En définitive, nous ne sommes pas partis dans les meilleures conditions qu’ils soient…
Assez parlé, place à l’ascension !
Montée au refuge
13 septembre, c’est la première date qu’avait réservé mon père et ce fut la bonne ! Les conditions semblaient optimales. Ni une, ni deux, nous préparons nos sacs et sautons dans la première télécabine de Bellevue afin de prendre le train du Nid d’Aigle. Nous sommes entourés d’alpinistes qui ont, sans nul doute, le même but que nous. L’ambiance qui émane de cet environnement me pousse alors à me poser une multitude de questions : va-t-on y arriver ? Est-ce que mon corps va bien réagir ? Les conditions vont-elles changer ? Est-ce que la soupe sera bonne ? Après quelques minutes de transport et du dénivelé positif gagné, nous arrivons à la gare du Nid d’Aigle situé à 2 372m d’altitude. Il est temps de nous mettre en route. L’objectif de la journée est d’atteindre le refuge du Goûter culminant à 3 815m.
Nous adoptons un rythme régulier, pas trop lent, pas trop rapide… Le juste milieu ! Le paysage qui nous entoure est déjà magnifique… Qu’est ce que cela va être quand nous serons plus-haut? Chacun de nous prend du plaisir dans cette approche. Après un moment de marche, nous arrivons au fameux refuge de Tête rousse (3 167m) où certains préfèrent passer la nuit pour minimiser les risques physiologiques liés à l’altitude. Nous y resterons seulement pour nous rassasier quelques minutes. Nous profitons pleinement du panorama qui s’offre à nous. Bionnassay semble inatteignable d’ici…
Nous voilà repartis, crampons aux pieds. Nous entamons donc les dernières centaines de mètres de dénivelé qui nous séparent de notre premier point de chute. Nous appréhendons quelques peu le passage du couloir du Goûter réputé pour ses multiples chutes de pierres… Nous savons qu’à ce moment-ci, nous ne maîtrisons rien. Nous avons beau être avertis… le danger est bel et bien présent et nous allons devoir composer avec. Nous engageons donc notre traversée du couloir. Les conditions de passage sont relativement correctes car il a neigé quelques jours auparavant… dessinant davantage le « sentier » qui s’avance devant nous et le rendant plus sûr.
OUF ! C’est passé ou, dirais-je, le crux de l’ascension est passé !
Nous continuons notre progression. Le chemin se raidit nous imposant de crapahuter entre les blocs de rochers. C’est plaisant mais fatiguant car, mine de rien, nous montons de plus en plus en altitude et cela se fait ressentir. Le souffle est plus court et les maux de tête arrivent tout doucement…
Nous arrivons enfin au refuge du Goûter. Nous sommes contents ! Une étape de faite.

Nous nous empressons de ranger notre matériel et de nous annoncer à l’accueil afin d’aller prendre nos lits. Nous nous posons alors dans la salle à manger et débutons ce que l’on appelle du repos actif. Nous jouons aux cartes, buvons du thé, discutons, allons profiter du panorama à l’extérieur…

18h30, l’heure du souper a sonné ! Ce que j’adore quand nous faisons des courses en montagne sur deux jours ce sont les repas… C’est teeeeeellement bon ! Je mets au défi quelqu’un de me prouver le contraire! 🙂 Bon pour tout vous dire, c’est là que les choses se sont un peu gâtées pour moi… J’avais, à l’instar de la majorité des gens autour de nous, mal à la tête mais cela restait supportable. Mais lorsque tout le monde s’est retrouvé dans la même pièce, le bruit s’est grandement amplifié et mon mal de tête a pris des tournures de migraine… Nous avons commencé le repas par une soupe et de la tomme que j’ai englouti sans problème. Pour le reste, c’est une autre histoire. Je n’ai RIEN pu avaler… Je n’avais aucune appétence. Cela m’a tracassé… J’ai pensé à un Mal Aigu des Montagnes (MAM) avéré mais je ne pouvais pas laisser ça tout gâcher. A partir de ce moment-là, j’ai décidé de ne pas y penser.
Une fois terminé, nous sommes tous allés profiter du coucher de soleil. Et la question suivante m’est venue : peut-on jouir d’un orgasme oculaire ? Et bien oui les amis ! Les couleurs, le relief, le silence… Des moments comme l’on en a rarement dans une vie.


Toutes les bonnes choses ont une fin. Il est temps d’aller se reposer quelques heures. Thibault et mon père ont un peu mal à la tête mais rien de très alarmant… Moi, je suis brassée et ça ne fera que s’empirer pendant la nuit. J’avais comme des nausées et me concentrais sur ma respiration pour me calmer. Le mal de tête violent n’arrangeait rien du tout… A ce moment-là, j’ai commencé à me dire que notre entreprise pouvait ne pas aboutir… Seul avantage à ces altitudes, personne ne dors donc personne ne ronfle, DIEU MERCI.
C’est parti, prochain objectif: le sommet !
Après ces quelques heures de repos (HA-HA-HA) nous voilà debout pour petit-déjeuner. Thibault et papa mangent mais moi… RIEN ne passe. Cela ne s’annonce quand même pas très bien au vue de la journée physique qui nous attend. Malgré tout, je me dis que les réserves de bière, fromage et charcuterie que je cultive depuis des années vont me venir en aide!
Nous nous équipons et nous encordons avant de démarrer cette longue montée. Première étape, le Dôme du Goûter qui permet de s’élever à 4304m. La montée est longue mais régulière. Pour tout dire entre la fatigue et l’effort matinal, je suis restée focus sur la corde qui me relie à Thibault et avance comme un robot. Nous faisons une pause au Dôme pour manger un peu mais ne tardons pas trop. Nous traversons ensuite un plat descendant qui nous ramène vers une pente raide pour atteindre le refuge Vallot. Il fait très froid, le vent souffle fort… et j’ai faim… tellement faim que j’en ai mal au ventre mais pour ne pas changer rien ne passe. J’entame une pom’pote mais suis à deux doigts de la rendre. Je me dis que ça ne sert à rien d’insister, je me ferai violence jusqu’au sommet et ça ira mieux après. Je me rappelle beaucoup de ce moment-là car le mental a pris le dessus sur le physique, qui à ce moment-là ne répondait plus vraiment. La partie qui nous reste pour atteindre le sommet tant convoité est la célèbre arête des Bosses.

C’est très raide mais bizarrement cela me donne très envie et les 4810m me semble pour la première fois très près. Cette arête est splendide. Aucune difficulté si ce n’est de se concentrer sur les parties effilées. Les dernières minutes ont été malgré tout éprouvantes et j’ai clairement ressenti les effets de l’altitude sur mon cerveau. J’avais l’impression d’être au ralenti. Je parlais en moon walk. C’était étrange mais marrant !

Sommet du Mont Blanc
7h50 : SUMMIT !!! HALLELUJAH MON FRERE
Quelle satisfaction ! Et quel bonheur d’avoir pu réaliser ça en famille. Ce sont des moments inoubliables. Merci à mon Thibault de nous avoir mené là-haut. Cela restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Après ce moment d’émotions, il a quand même fallu se poser et voir où l’on pourrait décoller avec nos parapentes ! Il y avait un peu trop de vent au sommet pour moi qui ai moins d’expérience que Thibault. Et pour couronner le tout, l’orientation Ouest n’arrangeait pas nos affaires. Il aurait fallu alors décoller dans l’axe de l’arête, ce qui est beaucoup plus technique. En toute honnêteté, je n’avais pas l’expérience pour réaliser ce type de décollage surtout à cette altitude. Il faut quand même avoir les idées claires ! Cela aurait été encore plus délicat pour Thibault qui emmenait mon père en biplace. Nous avons attendu un peu car l’orientation du vent annoncée par la météo la veille n’était pas la même que celle ressentie. Malgré une motivation sans faille, le froid a eu de raison de nous… Après quelques minutes, nous avons pris la sage décision de redescendre et de tenter notre chance au Dôme du Goûter. Après tout, ce n’est que 500m en dessous !
Descente en parapente
La descente de l’arête des Bosses requiert malgré tout beaucoup d’attention. Il ne faut pas se relâcher. Après moins d’une heure, nous voilà revenu au Dôme du Goûter où nous avions fait notre première pause le matin-même. Concernant mon manque d’appétit, il avait disparu… J’ai pu manger des gâteaux ce qui m’a fait le plus grand bien ! Psychologique, physiologique ? … L’orientation et la vitesse du vent étaient parfaites ! Vite, vite, vite nous installons les voiles. Thibault vient vérifier mes connexions (voile/sellette). Oui, j’ai oublié de vous dire mais je testais ma sellette light (170g) pour la première fois ! J’en étais plus à ce niveau de détail mais néanmoins j’avais une légère appréhension. Installée, il est temps de se concentrer ! Il va falloir courir vite car à cette altitude l’air porte moins. Il ne faut pas non plus partir comme un dragster et tout arracher.
Allez en avaaaaaant ! Miiiince c’est raté, ma voile gonfle de travers et je ne prends pas le temps de me recentrer dessous. Déco avorté ! Un bon samaritain vient m’aider à replacer mon parapente car Thibault est déjà accroché au biplace avec mon père et n’attend que le bon moment pour décoller.
Allez cette fois, je donne tout et me concentre au maximum. Je cours, cours, cours et ma voile me prend en charge… MON DIEU ! Je suis dans les airs, ça y est !!! Rapidement je regarde derrière moi pour savoir si Thibault et papa ont pu décoller. Et à mon plus grand bonheur, je les vois ! C’est gagné. C’est parti pour plus de 45 minutes de vol.

Nous allons en direction de Bionnassay, c’est superbe ! Nous distinguons les traces d’alpinistes sur l’arête qui relie Bionnassay au piton des italiens. Nous passons à proximité des crevasses et des séracs. Nous nous sentons écrasés par l’immensité de cette face nord. Nos parapentes nous permettent d’explorer des endroits hostiles et inaccessibles autrement. C’est l’assurance d’une sortie inoubliable ! C’est de loin le plus beau vol que j’ai fait depuis le début de ma carrière de parapentiste (1 an haha). J’aurais aimé que ça dure des heures… Nous avons fait notre perte d’altitude à cet endroit là. Au-dessus des glaciers. Nous nous sommes assurés d’avoir l’altitude minimum pour rejoindre l’atterrissage des Houches. Après presque une heure de vol, nous atterrissons passant de l’hostilité de la haute montagne au confort de la vallée. Nos esprits, eux, mettent un peu plus de temps à redescendre, nos sourires en témoignent.
Objectif rempli. Et comment !
Je remercie une fois de plus Thibault pour sa disponibilité dans ce projet. Je suis la fille la plus heureuse d’avoir pu offrir à mon père ce Mont-Blanc avec une descente en parapente avec Thibault.
J’espère que ce récit vous aura inspirer et vous donnera à vous aussi l’envie de réaliser ce combo inégalable.

Super ce reportage..N étant pas montagnarde dans l’ame , j ai malgré tout lu ce récit avec beaucoup de plaisir et je n ai levé les yeux qu a la fin de l histoire…j etais plongé dedans et j aurais voulu que cela dure plus longtemps .ça donne envie!!!!!
Bravo l ecrivain
Un épisode de vie inoubliable où un rêve de toujours s’est réalisé en famille, en n’en point douté il restera à jamais gravé en mémoire.
Quoi de plus beau que de partager des challenges avec ceux qu’on aime.