Cheese Cup 2019 : récit & vidéo
Pré-Course
Rdv à 7h30 devant la boutique des passagers du vent où un petit déjeuner bien copieux nous attend. Les 30 participants de cette étape arrivent petit à petit. Pendant ce temps, Laurie (à l’initiative de la course) et le staff finissent d’adapter le parcours en fonction des dernières conditions météo.
Le principe d’une compétition de marche et vol est de rallier plusieurs points (balises) le plus rapidement possible. Ces points sont donnés avec une coordonnée GPS. Un cercle de rayon plus ou moins grand est défini autour de chaque point. Il suffit de pénétrer dans ce cercle pour valider la balise. Les traces GPS des parapentistes sont vérifiées à la fin de la course pour confirmer qu’ils sont bien passés dans tous les cercles. L’écartement entre les balises et la distance totale du parcours est définie en fonction des conditions du jour. Si les conditions sont favorables au vol, le parcours peut largement dépasser les 100km. Aujourd’hui avec des conditions très stables ne permettant pas de rester suffisamment en l’air, il faudra beaucoup marcher et le parcours sera d’une petite trentaine de kilomètres (ligne droite entre les balises)
C’est l’heure du briefing et le parcours est dévoilé. Il s’agit d’un tour aux portes des Aravis. On partira de l’Eglise de Montmin (ouf! on gagne de la hauteur sans forcer). La première balise est à la Tournette avec un rayon de 1500m. Puis un pointage au sommet du Sulens. Une balise au Lachat de Thônes avec un rayon de 5000m (passer dans Thônes suffit). Et enfin la dernière balise est l’atterrissage de Planfait.
Le bon esprit de la Cheese Cup est là. Les locaux partagent leurs astuces, les chemins les plus rapides, différentes options de vol et d’atterrissage possibles. On apprend à utiliser notre GPS, à créer le parcours avec les balises. Cela nous permettra de vérifier visuellement que nous validons bien les points de passage pendant la course. On est bien aidé pour cette phase de préparation et on se rend compte que ça n’est pas si compliqué. On peut aborder cette journée confiants!
Il faut maintenant rallier le Sulens qui se trouve plus au nord. Tout se joue dans le choix des trajectoires. Il faut arriver en parapente avec le plus de hauteur possible sur cette montagne pour s’éviter de trop remonter à pied. Nous utilisons une voile ultra légère (mono surface) de 3,3kg. Nos sacs sont donc assez confortables lors des phases de marche. Mais cette voile n’est pas reconnue pour ses qualités de vol. Nous savons donc que nous perdrons vite de l’altitude.
Le vent du sud nous force à décoller face au lac d’Annecy mais nous permet de tenir en soaring (ascendances dynamiques) sur la crête. Le décollage est tonique, Avelaine a le temps de regarder l’herbe de près. J’hésite à partir sur ma droite (en direction de la Tournette) pour profiter du dynamique et remonter un maximum avant de se lancer dans la transition pour le Sulens. Mais l’idée que ce plan ne fonctionne pas et qu’on se retrouve trop bas, n’ayant plus la possibilité de repasser par dessus la crête pour aller au nord, me fait abandonner cette option. Nous plongeons directement sous le vent, en direction de la balise. Derrière la crête, dans les turbulences, nous perdons vite de l’altitude.
Derrière nous, trois voiles ont décollé et elles semblent déjà flotter bien au-dessus… On met le cap sur les champs situés au col de la Botte car il ne sera pas possible pour nous d’atterrir au petit Sulens. Notre stratégie est de ne pas en avoir. On évite ainsi tout changement de trajectoire inopportun. On tire tout droit en essayant de ne pas dégrader notre finesse d’autruche et on ne se fatigue pas trop à essayer de comprendre qui de la brise ou du vent météo va s’appuyer sur quel relief… Le paysage et les belles couleurs d’automne présentent plus d’intérêt pour nous.
Plus on se rapproche du col de la Botte, plus notre attention se reporte sur le champ convoité. Le regard balaye le paysage à la recherche d’une solution de secours. Passera, passera pas… On serre les fesses un bon moment… Puis soulagement lorsque l’on passe quelques mètres au dessus des sapins pour atterrir! On peut résumer ce vol en une phase finale bras haut de 10min, de quoi rendre fiers mes instructeurs de biplace!
On remballe tout au plus vite, puis c’est parti pour 600m de dénivelé afin de rejoindre le sommet du Sulens. Au-dessus de nous, quelques parapentes passent et vont se poser sur la crête sommitale. Avelaine regarde ces voiles jalousement, et laisse échapper quelques insinuations dévalorisantes quant à mes choix stratégiques de vol. La fatigue fait vraiment dire des choses insensées!
Arrivés au sommet, c’est le pointage puis on se jette sur le ravito. Tomme, reblochon, saucisson, banane, chocolat.. tout y passe! On reste un moment à se requinquer en profitant de la vue sur le Charvin, les Aravis et le Mont Blanc.
On prépare le biplace juste sous le sommet, décollage côté Ouest, direction Thônes. Alexis, qui s’occupait du ravito, nous a informé des choix des précédents concurrents et expliqué les stratégies : en l’air, il faut choisir entre la montagne de Cotagne et les pentes au dessus de Manigod. Le gros de la troupe a opté pour la première option, excepté les premiers passés 2h plus tôt. En tout cas, il ne faut pas rester au milieu dans l’axe de la vallée.
Face à l’incapacité de faire un choix, faute d’argument en faveur de l’une ou l’autre des options, pétrifiés par ce dilemme, nous volons donc en plein milieu de la vallée. Nous avons ainsi pu confirmer que c’était un choix qui ne paye pas!
On peine à atteindre la Curiaz, notre taux de chute est important et on avance peu. Les options d’atterrissage se ferment petit à petit. Avelaine ne dit plus un mot, mon détecteur de situation tendue fonctionne à merveille. L’atterro de secours que nous avons trouvé ne nous plaît pas vraiment. Encore un peu de suspense, puis un joli champ se dévoile derrière la crête et nous l’atteignons de justesse.
Encore 10km et un peu moins de 1000m de dénivelé nous attendent. Nous devons traverser Thônes et valider l’avant dernière balise, remonter la vallée de Montremont et atteindre le col des Nantets.
Arrivés au col des Nantets 2h30 plus tard, on retrouve le soleil et la vue sur le lac d’Annecy. La pente en direction du lac est barrée par des sapins un peu trop hauts nous empêchant de décoller à cet endroit. On repère une croupe herbeuse, 100m plus haut, sous le Roc Lancrenaz. Elle semble être idéale pour décoller. On se met en route pour la rejoindre. La fatigue nous fait passer devant les décollages qui ont été utilisés par les autres parapentistes sans y prêter attention (ou alors on n’avait pas assez marché?).
En arrivant à la « croupe » herbeuse, on retrouve un concurrent en train d’étaler sa voile dans une pente qui est en fait très raide et sur laquelle sont plantés quelques arbres. On s’installe, démêlage précautionneux des suspentes. Le vent est bien travers droit. On prend une bonne inspiration avant de partir dos voile dans cette pente un peu impressionnante. La voile gonfle de travers et nous déporte bien sur la gauche. Une correction au frein et on franchit le slalom entre les arbres avec succès mais non sans une petite montée d’adrénaline.
La suite du vol est beaucoup plus relax. Pour une fois, on a de la marge pour rejoindre l’atterro de Planfait. On profite du paysage et de la douceur du soleil. La lumière rasante au dessus du lac, les couleurs d’automne, la Tournette, les Dents de Lanfon. Ce décor est une récompense bien appréciée après l’énergie dépensée aujourd’hui. 7h30 d’effort depuis le départ et 2600m de dénivelé avalé, un record pour Avelaine qui m’a bien impressionné. Comme quoi quand il y a un vol en parapente à la clef, on ferait n’importe quoi !
Le résumé en vidéo
